Sont-ils aux livres, ce que les films grand public sont au 7eme art ? Genre majeur ou genre mineur ? Vite lus et vite oubliés ? « Romans de gare » conventionnels divertissants et quelquefois méprisés en France, sous couvert d’une certaine définition de ce qu’est la « littérature », les romans policiers ne se sont malgré tout cela, jamais démodés et, qu’on le veuille ou non, on y trouve de véritables chef-d’oeuvre du genre. Côté marché, les chiffres des librairies parlent d’eux-mêmes, un roman vendu sur quatre est un polar. Ils occupent même les 10 meilleures ventes de livre en poche. Comment comprendre ce succès ? Quels sont les facteurs qui poussent à un tel engouement envers les polars ?

Le polar, un genre souvent décrié qui a acquis ses lettres de noblesse

Le roman policier aurait des origines chinoises. Un des premiers vrai polar fut Dee Goong An, racontant l’histoire du juge Ti, un personnage réel qui vécut au VIIe siècle. Ce livre, daté du XVIIIe, a été redécouvert et traduit en anglais dans les années 1940, publié en 1949. Le roman policier occidental par contre, semble être né, seul et de son côté et il serait difficile d’y débusquer les signes d’une influence chinoise.

Longtemps critiqué pour sa monotonie : « les histoires se ressemblant toujours d’un auteur à un autre », « le même auteur se met à force de temps à utiliser des ficelles et des recettes » : le polar est devenu un genre prisé des lecteurs qui ne lasse jamais son public. Et s’il fut un temps où on avait l’impression d’y voir toujours la même chose, en réalité, soit qu’il soit historique, soit qu’il se base sur des éléments plus contemporains, le polar se renouvelle constamment et reflète bien souvent les représentations de son temps. Il s’est aussi diversifié. Les auteurs commencent à renouveler le genre, sans pour autant oublier l’essentiel : le suspense, les personnages intrigants et attachants. Les apports de la science policière et l’arrivée des profilers et de la police psychologique l’ont aussi bien évidemment influencés. Les serial killer, ces prédateurs sociopathes et/ou psychopathes qui fascinent le grand public, sont devenus souvent des personnages de choix pour le genre du polar et du thriller.

Du côté narratifs et stylistiques, les règles de base sont peu à peu brisées, laissant place à des histoires toujours plus inédites, pour le plaisir des lecteurs. Il y en a pour tous les goûts : des fameux romans noirs, aux cozy mysteries, enquêtes un peu farfelues et quelque fois humoristiques.

Pourquoi apprécie-t-on tant les polars ?

« Il faut que justice soit faite », c’est une idée que nous partageons tous. Le polar satisfait cette envie non étanchée et laisse rarement un crime impuni. Face à l’imperfection de la réalité ou aux limites de la justice, dans les polars, la justice finit toujours par se faire. Bien sûr, certains auteurs ont décidé de renverser la tendance et de faire du serial killer le détenteur d’un pouvoir de manipulation qui peut mettre en échec le policier. Toutefois, la règle du polar reste rarement l’impunité et il retombe bien souvent sur ses pattes : « le crime ne paye pas », dit l’adage

Les gens aiment aussi le polar pour sa rationalité. Avec lui, l’intelligence, la méthode, la déduction, la persévérance triomphe et c’est toujours une de nos plus grandes satisfactions. Suspense, rebondissements, questionnements permanents, on se plait à vivre l’histoire du livre, à participer aux enquêtes, à deviner ce qui va se passer dans le chapitre suivant… Cet exercice intellectuel qui consiste à résoudre un mystère est plus fascinant que le crime lui-même.

Bien évidemment, si la logique est en jeu, un des grands moteurs des polars restent l’émotion : la peur, la souffle suspendu pendant l’action, aura-t-on de l’empathie pour le mauvais ? L’auteur jouera-t-il avec nos nerfs ou notre sens moral ? Encore, une fois, face au suspense ou à la tension des huis clos très « British » à la Agatha Christie ou à la Hitchcock (cherchez le Colonel moutarde et le chandelier), les codes ont souvent changé. Aujourd’hui, les thrillers peuvent jouer sur l’horreur de l’acte criminel, la description éloquente des scènes, les détails factuels des corps meurtris, la nature perverse des tueurs, la menace directe qu’ils vont faire peser sur la sécurité même des enquêteurs ou de leur famille, etc… Le polar moderne va vite. Il se situe dans l’intensité, il ne faut pas que le lecteur zappe. La peur du danger et l’adrénaline qui en découlent sont de parfaits leviers pour créer l’attractivité sur un roman et tenir l’amateur de polars en haleine.